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Dans les petits papiers de la Bande Passante — Printemps 2022
tetiere la bande passante

#15 > Printemps 2022

Bonjour à tous·tes,

Nous avons le plaisir de vous faire parvenir cette nouvelle lettre d’information pour ouvrir le printemps.

Ce sont pour nous des moyens de transmettre les coulisses de la vie de la compagnie : les nouveaux projets, les personnes à découvrir, Les idées et les envies qui germent et s'épanouissent.

Emilie, avec son parcours de journaliste, avait inventé avec nous une nouvelle façon de concevoir ces lettres. Dépasser la communication pour aller vers le partage. Et c'est Iseult qui nous a rejoint fin janvier à la diffusion et à la communication, qui a repris ce flambeau.

Elle a rédigé l’essentiel de cette lettre à votre attention.

L'hiver a été l'occasion d'une  résidence importante à Oloron-Sainte-Marie, à l’Espace Jéliote — Centre national de la marionnette (en préparation), pour notre future création autour des récits de soi adolescents : Devenir.

Devant le nombre de sujets que nous voulions aborder pour vous, les multiples envies, les informations, le foisonnement des idées et les nouvelles personnes qui nous ont rejoint, nous avons trouvé que le mieux était de récolter les paroles de toutes celles et ceux qui ont participé à cette étape de travail.

Nous espérons que ce foisonnement printanier vous plaira comme à nous.

Bonne lecture !

     L'équipe de la Bande Passante

La compagnie est à la recherche d’une salle équipée (9m d’ouverture, 
5m de hauteur sous grill) entre le 15 mai et le 15 juin pour une semaine de résidence plateau pour Devenir, si possible à Metz ou alentours. 
N’hésitez pas à passer le mot et / ou nous contacter à labandepassante.cie@gmail.com 

Sommaire

DEVENIR : PORTRAITS D'UNE ÉQUIPE EN CRÉATION 

• Jackie Challa — Direction de l'Espace Jéliote

• Marie-Jeanne Assayag — Régie générale

• Iseult Clauzier — Communication et Diffusion

• Benoît Faivre & Thomas Gourdy — Mise en scène et dramaturgie

• Kathleen Fortin — Interprétation et création plastique

• Maxime Kerzanet — Interprétation et création musicale

• Tommy Laszlo — Scénographie et création plastique

• Camille Baroux — Création graphique et plastique

EN BREF…

• Intervention à l’École des Chartes

• 200 !

• Retour à Sonora

DEVENIR À OLORON SAINTE-MARIE

PORTRAITS D'UNE ÉQUIPE EN CRÉATION

Deux semaines de résidence se sont achevées le 6 mars dernier à l’Espace Jéliote – Centre national de la marionnette (en préparation) durant lesquelles des travaux de scénographie, de création plastique, de dramaturgie, de musique, de vidéo et de jeu ont été explorés et approfondis.
     Après un travail d’investigation et d’écriture parmi les récits collectés et nés des différents ateliers mis en place par la compagnie, les artistes issu·es de diverses disciplines impliqué·es dans cette création se sont consacré·es à porter au plateau ces écrits d’une richesse saisissante.
     Nous sommes très heureux·ses de livrer ici un aperçu de cette étape de travail au travers des voix diverses de celles et ceux qui participent à cette création.

JACKIE CHALLA

DIRECTION DE L'ESPACE JÉLIOTE

Jackie dirige l’Espace Jéliote à Oloron Sainte-Marie, futur CNMa (Centre national de la marionnette). A l’instar du théâtre de Laval et du Sablier à Ifs qui jouiront du même label, l’Espace Jéliote soutient la compagnie depuis les premières créations et coproduit Devenir.

La chapelle de l'Espace Jéliote

Qu’est-ce qu’un Centre national de la arionnette et pourquoi l’Espace Jéliote s’est vu remettre ce label ?

C’est le résultat de 20 ans de programmation et 11 ans en tant que scène conventionnée arts et création pour les arts de la marionnette. Un CNM doit répondre à un cahier des charges spécifique aux besoins des artistes marionnettistes.

• Le soutien à la création par la coproduction et la diffusion

• La mise à disposition de nos équipements : les espaces scéniques, mais aussi des hébergements ainsi qu'un futur atelier de fabrication et construction (espace indispensable des marionnettistes en création) 

• L’implication sur le territoire en faisant du CNM un centre de ressources qui travaillera entre autres en coopération avec les acteurs culturels de la région pour structurer des actions et des formations autour des arts de la marionnette.

Pourquoi cette fidélité avec 
La Bande Passante ?

Nous avions accueilli en 2009 Compléments d’objets. Et depuis… nous suivons les projets de très près. Nous avons accueilli par la suite Cockpit Cuisine, Vies de Papier, Nos Jardins… et bientôt Devenir!

J’aime beaucoup la ligne artistique de la compagnie selon laquelle les objets ont une mémoire. Il y a une grande créativité dans ce croisement entre les disciplines, notamment avec leur travail sur le papier. La façon dont ils s’emparent des archives pour les recomposer et introduire l’imaginaire dedans est fascinante. Il y a cette ambivalence entre imaginaire et histoire ; laisser sortir, écouter ce que peut raconter l’imaginaire tout en restant attentif au réel, à l’Histoire.

Quel regard portez-vous sur la nouvelle création de la compagnie Devenir, dont la dernière résidence à eu lieu à l’Espace Jéliote ?

J’aime la façon qu’a Benoît d’entrer dans un monde et toute la recherche que les artistes de la compagnie ont mise en place, la manière dont ils tracent avec les traces des autres. Ils ne referment que très tardivement les choses : les démarches antérieures de collecte, de recherches demeurent longtemps ouvertes pour avoir le temps de se laisser imprégner des mots, des photos, des archives et documents récoltés… La démarche me fascine, plus que la thématique. Benoît est très à l’écoute. C’est quelqu’un qui sait rebondir et faire du lien : il lance des pistes et accepte de se perdre. Je ne crois pas qu’il sache vraiment dès le départ ce qui va se faire ou ce qui va se raconter…

MARIE-JEANNE ASSAYAG

RÉGIE GENERALE

Marie-Jeanne est régisseuse, principalement en lumière. Elle travaille pour plusieurs lieux, compagnies et festivals. Depuis 2016, Marie-Jeanne a intégré la compagnie La Bande Passante en tant que régisseuse générale et créatrice lumière. Outre les tournées qu’elle assure avec Sophie Aptel et Charline Dereims, elle accompagne tous les projets de création de la compagnie, notamment Devenir.

En quoi consiste le travail de régisseuse générale ?

Il s’agit de préparer techniquement l’arrivée de la compagnie dans les lieux qui accueillent les spectacles et analyser les besoins. 

Quelle est la différence entre la régie de tournée et celle de création ?

En tournée, tout est déjà calé. Pour Vies de Papier, nous en sommes à plus de 200 représentations, on est rodé·es! Les plans et le matériel technique sont connus, il suffit de communiquer à l’avance les bonnes informations avec l’équipe technique de la structure accueillante. Tout est réglé, c’est comme une danse.

En résidence, c’est tout autre chose : on ne sait pas encore quoi demander car le spectacle n’est pas encore fini, pourtant il faut déjà négocier avec les lieux puisque le spectacle tournera à partir de novembre prochain. Alors il faut analyser à l’avance ce qu’il y aura à créer ou ce qu’il pourra y avoir à créer. C’est plus mouvant car au fur et à mesure de la création, les choses bougent. Il faut prévoir l’imprévu, tout ce que l’on risque d’avoir besoin. 

Comment ça s’est passé pour Devenir?

On a fait beaucoup d’essais et petit à petit, ça s’affine. J’ai beaucoup aidé Tommy à la scénographie car ce travail demande une grande technicité… mais je suis aussi en renfort sur tous les autres postes quand il y a besoin. Les artistes participant au spectacle ont des besoins et je suis là pour les concrétiser. Petit à petit, on trouve un rituel de fonctionnement à adapter sur les tournées. Le·la technicienne, c’est l’esprit pratique !

T’arrive-t-il de ne pas pouvoir répondre à certains besoins ?

Nous faisons tout pour que ce soit possible. Parfois, cela nécessite juste plus de temps. Pour cela, le travail ne se fait pas qu’au plateau. Quand je vais acheter du matériel et que les dimensions requises n’existent pas, il m’arrive de re-découper ou construire chez moi par exemple car j’ai l’espace pour. Il y a une grande partie manuelle et de construction, qui fait d’ailleurs partie de l’identité de la compagnie. En amont de cette résidence, dix jours de travail à domicile ont été requis.

La boom

ISEULT CLAUZIER

COMMUNICATION ET DIFFUSION

Après quatre années au Carreau — Scène nationale de Forbach et de l’Est mosellan en tant que chargée de la communication et des relations presse franco-allemandes, Iseult se lance dans le travail en compagnies. Elle a rejoint la compagnie La Bande Passante fin janvier au poste de responsable de la communication et de la diffusion. Elle a suivi la résidence Devenir à distance, depuis Metz, et en a fait connaître les étapes par de nombreuses publications sur les réseaux sociaux.

Comment as-tu rencontré le spectacle vivant ? 

Dès l’enfance par la pratique du théâtre en association, dans la ville de banlieue parisienne où j’ai grandi. Puis par l’école et les textes de théâtre, les auteur·rices, les dramaturges. Les enseignant·es nous amènent dans les théâtres à Paris. Spectatrice, je suis traversée par ces formes hybrides qui mêlent différentes disciplines, classiques, contemporaines.

Comment as-tu décidé d’en faire ton métier ? 

Étudiante en médiation culturelle entre Vienne, Nantes, Berlin et Sarrebruck, je continue d'affûter mon œil de spectatrice. Je vais régulièrement au théâtre et je m’y perds avec régal. Un jour, je pousse la porte du Carreau — Scène nationale de Forbach et de l’Est mosellan. A l’époque, un poste se libère. Je postule. J’y reste 4 ans. Je sais que ma place est là, au contact des artistes et des compagnies et surtout, au sein d’une structure dont le rôle est de les faire découvrir au public. 

Et parmi toutes ces compagnies, je rencontre Benoît, Tommy et La Bande Passante. 

Quel est ton rôle aujourd’hui au sein de la Bande Passante ? 

Mon travail principal est de valoriser le travail de la compagnie auprès des structures, des institutions, et des spectateur·ices. Je suis l’interlocutrice principale pour les documents papier et numériques. Je les pense avec les artistes — un peu comme un deuxième œil —, et les diffuse auprès des programmateur·ices, du public, de la presse.
Je participe aussi à rendre possible un spectacle dans un lieu, de la venue d’un·e professionnel·le jusqu’à la représentation parfois quelques années plus tard. Cela repose sur une relation directe avec les structures. Nous imaginons ensemble un projet. La communication et la diffusion sont étroitement liées.

Quel regard —affûté! —portes-tu sur le travail de la compagnie ? 

J’ai découvert le théâtre d’objet documentaire avec La Bande Passante. Ce qui m’a immédiatement frappée, c’est son rapport au temps. L’objet est d’abord admiré et étudié sous toutes les coutures. Une patiente recherche se met en route, sans but, sans recherche d’intérêt ou d’utilité. Un rapport à l’objet empreint de nostalgie et surtout de célébration. Revenir sur le passé sans le réécrire, c’est très dur à faire. Leurs spectacles sont hors du temps.

Tu as documenté à distance la résidence d'Oloron. Comment restais-tu connectée à ce qu’il se passait sur le terrain et quelle perception en as-tu eu ?

Compagnie nomade oblige, les canaux de communication à distance sont développés au sein de la compagnie. Je me tenais informée quotidiennement au travers des photos et vidéos qu’on m’envoyait et en discutant avec l’équipe sur place lors de réunion de travail. Et même derrière un écran, j’ai été euphorique à découvrir chaque jour les avancées de leur travail. J’ai eu l’impression de passer de l’autre côté de la création, non plus en tant que spectatrice mais du côté de l’artistique en découvrant les rouages de ce travail. Quand on en découvre le cheminement et la concrétisation en coulisses, c’est fascinant.

Francis, Camille, Kathleen et Tommy dans un atelier improvisé à l'Espace Jéliote

BENOIT FAIVRE 

THOMAS GOURDY

MISE EN SCÈNE

DRAMATURGIE

Benoît Faivre et Thomas Gourdy se croisaient dans les théâtres et à la radio, sans pour autant avoir eu l’occasion d’échanger sur leurs projets respectifs. Alors que la compagnie était associée au Carreau — Scène nationale de Forbach et de l’Est mosellan, leurs travaux sur le terrain ont trouvé des résonnances respectives et un désir de travailler ensemble s’en est suivi. Sur Devenir, outre les lectures, les collectes et les ateliers, ils travaillent ensemble à l’écriture et à la dramaturgie du spectacle.

La dramaturgie, c’est quoi ?

Benoît Faivre : La dramaturgie, pour moi, c’est le travail qui permet de situer un spectacle à l’intérieur d’un réseau de pensées, de personnages, d’histoires et de mythes. Les textes qui les évoquent nous servent de références et de repères.

Comment ce réseau de textes est-il venu étoffer le propos de Devenir ?

Benoît Faivre : J’ai souhaité travailler sur l’adolescence car j’avais une intuition : dans cette période de transformation, les déterminismes se fixent et perdurent à l'âge adulte. Nous forgeons alors des personnages pour nous adapter au monde et aux autres. Ces avatars rendent nos interactions plus faciles, plus compatibles. Le problème, c’est qu’ils continuent à interagir dans nos vies futures. Comme si la personne que nous étions se confondait avec le masque que nous avons dessiné. Qui est alors à l'œuvre dans nos vies ? Le personnage forgé par nous ou celui qui l'accueille et l’interprète ? C’est un enjeu théâtral. Il nous fallait confronter cette intuition au réel, d’où nos nombreuses lectures.

Quels sont les textes qui vous ont éclairés ?

Benoît Faivre :  Le déclic s’est produit lorsqu’une spectatrice nous a confié ses journaux intimes d’adolescente. Ces écrits personnels et authentiques, car écrits pour soi, venaient nous apporter de nouveaux éléments de compréhension et appuyer l’intérêt de travailler sur cette période décisive de nos vies. Nous avons alors lancé un appel à témoins et avons récolté une grande quantité d’écrits intimes d’adolescent·es qui ont étoffé notre recherche.

Pour compléter ces lectures, nous sommes aussi allés chercher des textes publiés. A partir de l’ensemble de ces récits, nous avons identifié des lignes, des enjeux qui se dessinaient.

Comment travaillez-vous ensemble à la dramaturgie ?

Benoît Faivre : Le travail avec Thomas a enrichi cette dramaturgie. Nous nous conseillons des lectures, des textes qui viennent approfondir la recherche. Toute cette base documentaire étoffe nos intuitions et permet de trouver un chemin dans une polyphonie.

Quelles questions se pose-t-on en tant que dramaturge ?

Thomas Gourdy : Au milieu de tous ces récits, il s’agit de trouver «comment ça va se jouer et comment donner de l’action». Les questions insolubles sont riches car elles permettent une situation qu’on cherche à résoudre.
Comment trouver des questions contradictoires à jouer sur un plateau ? Il faut chercher ce qui échappe au rationnel, c’est ce qui amène le conflit, ce qui doit exister par le théâtre.

Ce spectacle est construit à partir d'écrits d’autres personnes. Comment faire pour garder une authenticité ?

Thomas Gourdy : Dans Devenir, des adultes s'intéressent à un âge qu'ils n'ont plus. Il faut se demander quelle trace de cet âge demeure en chacun de nous. Il est presque impossible d’y répondre ; toutefois on peut éclairer cette interrogation en s’inspirant des expériences et écrits des autres. Nous cherchons à retrouver les traces de ces constructions. Comme rechercher la trace des ouvriers dans l’architecture d’un bâtiment.ans le grutier, rien de ce qu’on voit n’aurait existé et pourtant le grutier disparaît dans le résultat. Il faut revenir à l’ado pour comprendre l’adulte qu’il a construit. C’est cette démarche qui est au centre de ce spectacle.

Essai scénographique : extérieur plage

KATHLEEN FORTIN

INTERPRETATION, ÉCRITURE, ET CRÉATION PLASTIQUE

Kathleen est marionnettiste et metteuse en scène. Originaire du Québec, elle a étudié à l’École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette de Charleville-Mézières. Elle rejoint la compagnie La Bande Passante en 2016 et travaille avec Benoît Faivre et Tommy Laszlo à la mise en scène des spectacles Au Fond puis Vies de Papier, sans pour autant apparaître au plateau. Sur Devenir, elle sera cette fois marionnettiste et interprète.

Dans Devenir, tu seras sur scène. Peux-tu nous nous parler de ton rôle dans cette création ?

J’ai plusieurs casquettes, à la fois à la création plastique, à la manipulation et au jeu. Avec Tommy, nous travaillons et cherchons des images, des esthétiques, des procédés plastiques et scénographiques. Au plateau, je serai en partie en charge des manipulations de papiers et des objets (journaux, images, papiers augmentés…). J’incarnerai également le personnage de Katell.

Quel regard apportes-tu en tant que marionnettiste sur ce spectacle ?

La manipulation permet un regard distancié par rapport à ce qu’on fait. En tant que marionnettiste, je perçois la distance entre ce que les objets jouent et ce que, moi, je leur insuffle. C’est comme l’adulte qui regarde l’adolescent·e, finalement.

Comment la manipulation d'objets permet ce retour à l’adolescence ?

Les documents et les objets sont comme des portes magiques pour remonter le temps, un peu comme dans Alice au pays des merveilles. La manipulation permet de plonger dans cette période. Ces deux adultes au plateau ne jouent pas des ados ; ils n’en ont plus le physique ou le comportement, mais ils vont revisiter et questionner tout cela.
Le papier permet une enquête, un peu comme une carte aux trésors qui permet d’avancer… Les documents sont aussi porteurs d’émotions. Et c’est la transformation plastique et la manipulation qui permettront de les révéler poétiquement.

N’est-il pas trop difficile de passer de la manipulation au jeu ?

Je vois le jeu d’acteur·rice comme un travail marionnettique, quelque chose de similaire, une continuité. Pour moi, ces deux qualités se complètent. Le corps d’un·ne comédienne  est aussi le prolongement d’un mouvement intérieur.

Quel est ton rapport à l’adolescence ?

Cette période n’est pas si loin pour moi. On est tous·tes fait·es de ça. On est tous·tes construit·es de nos pulsions d’ado. De temps en temps, ça ressort et finalement, il n’est pas nécessaire d’aller très loin pour le convoquer, cela même si on fait référence à de l’intime qui n’est pas le nôtre ou qui n’a pas existé. Dans Devenir par exemple, les journaux sont vrais, et même si les deux personnages sur scène n’ont pas vraiment existé, ils sont l’incarnation de ces multiples écrits. Ils permettent d’en dégager une substance, une vérité, des enjeux universels.

Kathleen et Tommy à la table de manipulation

MAXIME KERZANET

INTERPRETATION, ÉCRITURE, ET CRÉATION MUSICALE

Maxime a commencé sa formation théâtrale au sein de la compagnie Science 89, qu'il poursuit à la classe libre des cours Florent (promotion XXV) puis au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris (promotion 2008). Également musicien, il intègre la musique dans certains spectacles où il joue ; notamment avec la Cie Claire Sergent (On voudrait revivre, 2016). Il a rejoint la compagnie La Bande Passante avec le projet Devenir en mai 2021 en tant que musicien et interprète.

Comédien de formation, la musique est très présente dans ton travail sur scène. Peux-tu nous en parler ?

Entre ces deux disciplines a lieu une rencontre. J’ai toujours fait de la musique quand j’étais ado dans ma chambre. Puis j’ai découvert le théâtre comme j’ai découvert la vie, mais la musique a toujours traîné dans un coin. Dans un spectacle où j’ai joué plus jeune avec des acteurs de cabarets, on m’a demandé de chanter pour donner envie aux gens d’aller au théâtre, tels des amuses-bouches. Léopoldine HH a voulu s’entourer de gens proches d’elle pour sa musique et je l’accompagne depuis, dans la musique comme à la scène. Tout ceci a concrétisé mon envie de mêler la musique et le théâtre.

Qu’apporte la musique au théâtre ?

C’est comme un déclic pour mieux en faire. La musique permet de faire entendre la poésie d’un texte autrement. Les limites du jeu peuvent être, je pense, dépassées car elle nous permet d’écouter autrement. On est plus libres sur la forme littéraire. On peut aller vers la poésie et se dégager de l’histoire.

Tu intègres une démarche documentaire à ta musique…

Oui. Il y a dans la musique que je fais pour les spectacles un lien entre montages documentaires et création. C’est une démarche que je qualifierais de théâtrale, même : partir du concret pour aller vers l’intemporel. Les documents partent de l’intime pour arriver à l’éternel. Je pars de quelque chose du quotidien dans ces musiques. 

Pour Devenir comment s’est fait ce glissement du concret à une parole universelle ?

J’ai dû partir de quelque chose d’intime à partir de ces journaux. Mais il n’y a aucun jugement, on déplie tout un paysage en ouvrant ces carnets et là, les paroles ne sont pas de moi. Les musiques se font à partir de là, à partir d’écrits qui appartiennent à d’autres. Je me suis attaché à ces ados, j’ai pris des passages, me suis enregistré, j’ai gardé des mots pour les mettre en poème. Je répétais beaucoup ces mots choisis et plus je les répétais, plus j’élargissais leurs champs. J’ai pris ces récits comme un outil littéraire et me suis permis d’y laisser ma trace afin d’y créer une ambiance. C’est le texte qui constitue le fondement de la musique.

Comment reviens-tu à ton adolescence au travers de cette création ?

Pour ce spectacle, je me suis replongé dans de vieilles musiques que j’avais composées étant ado. Je n’écrivais pas de journaux, mais des chansons. Le théâtre, finalement, c’est ma chambre d’ado où j’imagine plein de trucs.

Musique
En inédit, nous vous proposons de découvrir quelques pistes travaillées à l’occasion de cette résidence et composées par Maxime Kerzanet à partir des récits collectés sur notre SoundCloud :

TOMMY LASZLO 

SCÉNOGRAPHIE ET CRÉATION PLASTIQUE

Tommy Laszlo a été formé à l’École supérieure d’art de Lorraine de Metz. Outre son travail de plasticien, il travaille comme décorateur pour le cinéma et créateur vidéo et scénographe pour le théâtre et l’opéra. Depuis 2014, il a développé au sein de la compagnie tout un univers autour des archives et du papier. Sur Devenir, il prendra en charge la vidéo, la création plastique et la scénographie.

La scénographie, c’est quoi ?

La scénographie, c’est littéralement « l’écriture de la scène », de l’espace dans lequel va se jouer le spectacle. Lorsqu’un spectacle naît, il se monte sur un plateau nu, dans une boîte noire vide. La scénographie va donc servir à donner corps au spectacle, à installer l’espace de jeu. Il faut penser le sol, les éléments qui vont servir de support ou de décors, les accessoires, les entrées et les sorties des comédiens. Cet espace peut être détaillé, contenir beaucoup de mobilier et d’accessoires ou il peut être extrêmement épuré, avec très peu d’éléments sur scène. Il s’agit donc d’une écriture de la scène par les formes : une écriture plastique.

Comment se réalisent les scénographies dans une compagnie de théâtre d’objet documentaire ?

L’enjeu du travail scénographique dans le théâtre d’objets documentaire, qui fait la particularité de la compagnie, est de trouver une articulation entre les besoins des comédien·nes (évoluer dans un espace qui va les aider à porter une histoire, un propos) et les besoins de l’objet (qui va être transformée, agrandie, manipulée). Techniquement, la scénographie va « augmenter » les objets dont les spectacles vont traiter, tout en permettant au comédien·ne-manipulateur·trice d’être intégré·e à l’espace et de porter l’histoire contenue dans cet objet.

Comment cela se traduira techniquement avec Devenir ?

Il y plusieurs couches de travail pour cette création : les accessoires, la manipulation et la scène.

Concernant les accessoires, il s’agit de recréer des journaux intimes de jeu. Avec Camille, Kathleen, Francis et Marie-Jeanne, nous allons refabriquer des journaux directement inspirés de ceux que nous avons collectés. Ils contiendront les éléments qui vont définir les espaces du spectacle : une photo de chambre d’adolescent, l’image d’une école, une série de dessins… Nous réalisons ces journaux intimes à plusieurs mains pour apporter une diversité dans l’écriture et dans l’interprétation des documents d’origine.

Ces journaux seront ensuite manipulés par Kathleen et Maxime sur scène, sous des caméras qui pourront se déplacer dans l’espace de la scène. Les manipulations permettront de donner du mouvement aux objets et de nous emmener dans des lieux évoqués par les documents, de voyager dans les écrits, de dessiner en direct par des projections à même le décor.

Ce décor sera à la fois capable de structurer la scène, mais aussi d’accueillir les projections des images produites en direct. Francis Ramm assure la technique vidéo, il adapte notamment ces projections au décor. Le travail de Francis nous permet d’invoquer concrètement les espaces contenus dans les journaux intimes.

Le bus

CAMILLE BAROUX

CRÉATION GRAPHIQUE ET PLASTIQUE

Camille a été formée à l'École nationale supérieure des Beaux-Arts de Lyon. Elle partage son temps entre sa pratique de graphiste et des projets de recherche. Elle a rejoint la compagnie La Bande Passante d’abord pour la communication Papier et Web. Puis son intérêt pour le texte et les récits intimes l’ont vite amenée à participer au comité de lecture constitué pour Devenir. Elle a proposé de donner corps à ces lectures par la création d’un livre issu de ses citations glanées au fil des lectures intitulé Refermez ce journal.

Tu es designeuse graphique et éditoriale. Peux-tu nous présenter ton activité ?

J’ai étudié aux Beaux-Arts de Lyon dans une section spécialisée dans le design éditorial qui s’intéresse à toutes les formes possibles du livre et plus exactement aux objets imprimés constitués d’un pli. Le pli, permettant une action cinétique de déplier, de naviguer, d’avoir un début, une fin, et de ce fait de pouvoir avoir une narration.

J’envisage la pratique de design au sens large de « geste éditorial». Par geste, ce sont toutes les différentes étapes que comprend le travail d’édition, de la matière informe à une forme publiable: collectionner, sélectionner, préparer, articuler, adapter, monter, mettre en forme, typographier.

D’où vient cette discipline ?

Cette conception du design éditorial fait écho au travail des graphistes-auteurs-typographes-éditeurs de la fin du XIXe siècle qui s’investissaient dans des productions de A à Z et qui n’étaient pas encore des métiers de « prestation commerciale ». Le design éditorial est avant tout un travail de rencontre et de collaboration, avec des écrivain·es, des théoricien·nes, des artistes et aussi des amateur·ices.

Pourquoi as-tu décidé de te consacrer à l’édition ?

Les supports papiers m’intéressent particulièrement parce qu’ils constituent des objets de mémoires que l’on conserve, que l’on glisse, que l’on affiche, que l’on sacralise parfois. Je suis également sensible au livre en tant qu’objet de lecture qui questionne de multiples possibilités d’énonciations et de narrations et qui me pousse à appréhender et à déplacer les formes littéraires hors du livre, à travers d’autres médiums. C’est une recherche qui a pris maintenant plusieurs formes: performances, conférences, mises en scène....

Tu as créé Refermez ce journal à partir des récits collectés. Une littérature s’est-elle dévoilée ?

En comité de lecture, nous avons lu et récolté de nombreux écrits d’adolescent·es, provenant de correspondances ou de journaux intimes et allant de 1932 à 2021. L’idée de Refermez ce journal était de documenter cette vaste collecte, mais surtout de faire se mélanger toutes ces voix au sein d’un objet éditorial.

N’y avait il pas trop d’écrits ? Comment traiter toutes ces informations et comment s’assemblent-t-elles les unes avec les autres dans un livre ?

Un premier travail de sélection, de choix (et par conséquent d’abandon) a été fait pour garder non pas les « meilleures citations » dans le sens punchline, mais d’avoir un éventail de multiples adolescences.

Des rencontres touchantes, surprenantes et parfois évidentes ont eu lieu grâce au travail de montage et d’assemblage effectué avec Benoît. L’idée était d’avoir un double sens de lecture : une première par double page où les citations dialoguent entre elles, rebondissent, se répondent mais parfois ricochent et se contredisent. Une seconde lecture, au fil des pages, où l’on rentre dans une intimité plus profonde, plus touchante. On s’attache à ces voix.

Comment s’est faite la mise en page  ? L’effet de montage est-il voulu ou est-il le résultat d’un hasard ?

Ces voix, réunies et retranscrites dans une édition, ont alors formé des nouvelles étoiles, dévoilant un récit polyphonique, des constellations. La mise en page, elle, fait écho aux formes littéraires classiques mais emprunte des détails (de l’ordre de la typographie, de la couleur, du format, du façonnage) aux journaux d’origine. Sortir ces écrits de leurs graphies personnelles ne supprime en rien leur intimité:  cela a permis de les rendre intemporels, voire universels, en les transformant en objets littéraires. Cet objet éditorial, support de partage sur l’adolescence devient alors une augmentation, une prothèse à la forme plateau de Devenir.

Ton travail est caractérisé par des points de rencontre entre la littérature et la mise en scène. Comme dans cette création ?

Pour Devenir, je travaille à la scénographie et à la création plastique avec Tommy Laszlo. Le graphisme et la scénographie sont deux disciplines certes différentes mais qui ont commun la notion de « graphie », d’écriture. Je retrouve dans cette expérience des gestes identiques ; on agence des éléments, on fait dialoguer des formes dans un espace, celui de la page, ou celui de la scène et de l’écran (dans le cas précis de Devenir).

Pour en savoir plus sur le travail de Camille : www.camillebaroux.eu

 

Kathleen et Maxime dans un duo dessiné

EN BREF…

Intervention à l'École des Chartes

Dans le cadre d’une formation pour l’École des Chartes de Paris le 9 mars dernier à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, Tommy Laszlo a évoqué le travail de la compagnie autour du thème des médiations de l’archive par le spectacle vivant. En quoi le spectacle vivant peut-il devenir médiation culturelle dans des lieux de conservation du patrimoine ? Comment les archives peuvent-elles inspirer les artistes dans le cadre de leurs créations ? Ce fut l’occasion de regarder en arrière sur plus de 10 ans de création et vers l’avant, en évoquant le travail sur l’écriture de soi à travers l’archive intime avec Devenir.

200 !

Le 1er avril dernier, au théâtre d'Avrillé, la compagnie a fêté la 200e représentation de Vies de Papier.
Un grand merci à toutes les personnes qui nous ont accompagné dans ce projet jusqu'ici !
Un grand merci à Christa !
Et beaucoup d'entrain pour la suite !

Retour à Sonora

La compagnie se lance dans une prochaine création mêlant bande dessinée et musique à partir du travail du dessinateur Nicolas Moog Retour à Sonora retraçant l’histoire de la scène musicale de la ville de Tucson aux Etats-Unis. De belles perspectives dont nous vous en dirons plus tout bientôt… 

Création prévue pour la saison 2023/24 en partenariat avec l’Arsenal, Cité Musciale  Metz et le Festival d’Angoulême.

La Bande Passante, c'est :

Camille BAROUX, Référente graphisme
Aurélie BURGUN, Responsable administrative, administration@ciebandepassante.fr
Iseult CLAUZIER, Responsable de la communication et de la diffusion, communication@ciebandepassante.fr
Benoît FAIVRE, Responsable artistique, labandepassante.cie@gmail.com
Kathleen FORTIN, Co-responsable artistique sur le projet Devenir
Tara GULHATI, Responsable de la coordination et de la médiation, mediation@ciebandepassante.fr
Tommy LASZLO, Co-directeur artistique des Mondes de Papier
Khaled RABAH, Responsable technique, technique@ciebandepassante.fr
Sophie APTEL, Marie Jeanne ASSAYAG, Charline DEREIMS, Régisseuses de tournée

 

La compagnie La Bande Passante est conventionnée par la Direction régionale des affaires culturelles du Grand Est, la Région Grand Est et la Ville de Metz.

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3, rue Georges Bernanos 57050 METZ (Fr)
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Diffusion / Production
Responsable de la Communication et de la Diffusion – Iseult Clauzier

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