Force Bleus (création en cours)
Ressources
Théâtre d’Objets Documentaire
Durée 1 heure
À partir de 13 ans
Création Automne 2025
« Force Bleus » : Génèse du projet
Force Bleus prend racine dans une expérience marquante : en 2017, Thomas Gourdy intervient lors d’un contrôle policier humiliant à Montmartre, filmant des agents qui exposent publiquement des femmes Roms. Cette action le conduit au tribunal, où il est interrogé sur ses motivations. Ce procès devient le point de départ d’une exploration personnelle et théâtrale : pourquoi ces scènes de violence l’interpellent-elles si profondément ? En remontant les fils de sa propre histoire familiale, Thomas découvre une généalogie de policiers marquée par des moments de loyauté, de silence, mais aussi de contradictions. Force Bleus est une quête pour comprendre ces héritages, questionner les logiques institutionnelles et révéler les mécanismes invisibles qui traversent les relations entre public et privé.
Thomas Gourdy : Auteur et Interprète
Formé à l’ENSATT, et fort marqué par son travail avec le metteur en scène Matthias Langhoff, il s’intéresse à la façon dont le langage transporte les rapports de pouvoir, les contourne, les tourne en dérision, les dépasse, les désigne.
En 2020, il entame un travail avec Joel Pommerat sur la prise de parole durant les Etats Généraux de la Révolution Française, travail mêlant des acteurs, des avocats, des députés en exercices ou à la retraite. L’écriture s’appuyait sur des improvisations à partir des archives nationales et de comptes rendus des séances pré-revolutionnaires.
Avec Rimini Protokoll, collectif artistique allemand élaborant leurs spectacles à partir de travaux d’enquêtes de terrain il participe à un projet de théâtre documentaire autour des logiques de renovations immobilières de Marseille.
Sa collaboration avec la Bande Passante débute lorsqu’il dirige certaines collectes et ateliers d’écriture à partir de 2020 pour un cycle de création consacré aux récits intimes adolescents. Il s’engage alors dans la création du spectacle Devenir (2022), dont il est le dramaturge et le coauteur.
Il explore la performance en travaillant avec la performeuse brésilienne Janaina Leice au CDN de Caen, avec laquelle il jette les premières base d’un travail de recherche personnel sur la figure du policier, de l’héroïsation des récits de 3 générations de policiers de son arrière grand père à son père, à ces archives judiciaires qu’il a été chercher dans les sous-sol de la Préfecture de Police de Paris dans un affaire d’État dans laquelle son père était mis en cause.
La jonction est évidente entre ce projet et la démarche documentaire de la compagnie La Bande Passante, autour du public et du privé, du général et de l’intime, des protocoles de collecte et d’écriture, et de la façon de mettre en scène le réel via la performance notamment.
Il est décidé de produire et diffuser ce spectacle, qui prend alors le nom de « Force Bleus » au sein de la compagnie La Bande Passante.
Une généalogie familiale en lien avec des affaires d’Etat : les imbrication du public et de l’intime
Dans la famille Gourdy, on est policier de père en fils. Du grand-père mobilisé lors des événements de 1961, à l’arrière-grand-père cavalier sous le régime de Vichy, jusqu’au père, membre de l’unité controversée des voltigeurs motoportés, chaque génération incarne une époque, un rapport à l’autorité et à la violence. À travers ce récit intime, Force Bleus explore la manière dont la sphère privée se mêle à la grande histoire. Comment ces figures familiales façonnent-elles la vision du monde du narrateur ? Comment l’intime s’articule-t-il avec les logiques collectives ? La scène devient ici le lieu d’un dialogue entre ces récits intimes et les faits institutionnels.
Le récit de soi et le témoignage
Dans Force Bleus, le narrateur traverse différents espaces de mémoire : l’enfance idéalisée, les silences familiaux, et les questionnements d’adulte face à l’injustice. Ce récit de soi s’appuie sur une pluralité de témoignages, des archives personnelles et des recherches dans les sous-sols de la Préfecture de Police. Chaque souvenir ou document devient une porte ouverte vers une histoire collective : celle des policiers, mais aussi celle des citoyens qui croisent leur route. Le spectacle pose une question essentielle : que signifie transmettre une mémoire ? Peut-on réconcilier des récits opposés pour les faire dialoguer ?
Écrire depuis l’enfance pour éclairer la relation des adultes à l’ordre et à la justice
L’écriture de Force Bleus s’ancre dans le regard de l’enfance, où l’idéalisme se mêle à une candeur qui perce les silences. Le narrateur revisite ses souvenirs avec la posture d’un « maître ignorant », selon Jacques Rancière, abordant les figures paternelles et policières avec une lucidité innocente. Ce regard se confronte aux mots des adultes, souvent marqués par la justification, le déni ou la routine institutionnelle.
Le texte juxtapose les univers : celui d’un enfant nourri d’épopées héroïques et celui des discours policiers et judiciaires, froids et administratifs. Ce choc des langages – intime, institutionnel, et familial – crée une narration hybride, où chaque fragment interroge ce qui est dit, tu, ou réécrit. Cette tension narrative dévoile autant qu’elle questionne, laissant le spectateur face à ses propres perceptions de l’ordre, de la justice et de l’héritage.
METTRE EN SCÈNE LE RÉEL
Force Bleus prendra appui sur un dispositif scénique simple et immersif, fidèle à la démarche documentaire de la Compagnie La Bande Passante. La mise en scène cherchera à convoquer la mémoire et le réel par des moyens sensibles et suggestifs, en s’inspirant des mécanismes des procès publics et des récits familiaux.
- Le tribunal comme espace scénique : Dans Force Bleus, le tribunal est à la fois un lieu réel et une métaphore de la distance entre pouvoir et transparence. Comme au tribunal, le spectateur devient un témoin, mais rien n’est fait pour qu’il comprenne tout : les voix se coupent, les corps s’effacent ou se cachent derrière des gestes, et le quatrième mur semble plus épais qu’ailleurs. Ce dispositif scénique traduit le silence imposé au prévenu, et la séparation entre ce qui est montré et ce qui reste dissimulé.
- Des objets comme témoins silencieux : Les archives familiales, comme les pin’s de police, un casque de moto des PVM ou des documents officiels, deviennent des points d’ancrage narratifs et visuels. Au plateau, ces objets sont manipulés, projetés ou simplement présents, porteurs d’une charge symbolique et mémorielle. Ils permettent de relier l’intime (la famille) et l’institutionnel (la police), tout en invitant le spectateur à projeter sa propre interprétation.
- Une narration polyphonique portée par un acteur unique : Thomas Gourdy incarne tous les personnages – père, grand-père, juge, policier – sans chercher à les imiter, mais en les traversant. Cette approche crée une voix composite, où les pensées de chacun cohabitent dans un même corps. Le spectateur est ainsi placé dans un espace où la pensée circule, brouillant les repères identitaires.
- Une musique pour l’invisible : Alexandre du Closel accompagne le récit en direct, avec des compositions inspirées des films noirs et des thrillers. La musique ne se contente pas de souligner les ruptures ou les tensions : elle révèle aussi les mouvements intérieurs, les émotions refoulées et les silences trop lourds.
Cette mise en scène, à la fois dépouillée et dense, fait dialoguer le réel et le fictionnel, dans une quête pour rendre visibles les violences ordinaires et les dynamiques familiales sous-jacentes.
DISTRIBUTION
De et Avec : Thomas Gourdy
Musique Live : Alexandre du Closel
Regard Extérieur : Julie Bertin
Création plastique et scénographie : Benoit Faivre, Tommy Laszlo, Camille Baroux
Production : Compagnie La Bande Passante
PRODUCTION - SOUTIENS
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