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⛏️🌞 Il était une fois dans l'Est
✨portraits croisés d'une création participative✨

Il ÉTAIT UNE FOIS DANS L'EST

Création sur Mesure en Cœur de Pays Haut
Collectes de récits d’habitant·es autour de la thématique de l'adolescence

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Bonjour à toustes, une infolettre spéciale dans votre boite mail pour vous raconter "il était une fois dans l’Est", un projet de territoire mené depuis 2 ans sur le Cœur de Pays Haut (54) à l'initiative de Scènes et Territoires, avec le soutien du conseil départemental de Meurthe et Moselle.

Dans ce territoire singulier constitué de 25 communes et 23000 habitants, le paysage et les mémoires sont fortement marqués par les mines de fer et la sidérurgie. Mais dont l'essentiel est invisible pour les yeux (comme les 40000 km de galeries creusées sous terre).

Nous avons conçu un programme de travail sous de multiples formes, avec diffusion de spectacles, résidences, ateliers, rencontres, collectes de documents et de récits, pour faire émerger ces réalités enfouies. Avec un angle universel et commun à toustes au gré des époques et des territoires : l'adolescence.

Nous avons souhaité vous raconter cette belle aventure, riche et singulière, pour la faire connaitre, et aussi peut être pour créer des envies similaires sur d'autres régions, d'autres histoires, d'autres destins, d'autres habitant-es !

Pour parler de ce projet, nous avons souhaité récolter la parole de chaque personne impliquée. Vous trouverez ci dessous des versions "courtes", avec un nombre limité d'intervenant-es. Nous vous invitons à télécharger la version "journal" complète de ces portraits croisés en pdf.

Bonne lecture et à bientôt !

La Compagnie La Bande Passante

Il était une fois dans l'Est est un projet coréalisé avec Scènes et Territoires
Avec le soutien de : la DRAC Grand-Est / la Région Grand-Est / le Département 54 / l'Appui aux Territoires 54 / la Communauté de communes Cœur du Pays Haut

Propos recueillis par Aurélia Monfort
Photos et Vidéos : Scènes et Territoires / La Bande Passante

Raconter un territoire par le biais des adolescences

Benoit Faivre est coresponsable Artistique de la cie La Bande Passante, il est à l’origine du cycle de création autour des récits intimes adolescents “Devenir(S)”, et du développement de créations sur mesure sur les territoires qui s'appuient sur cette thématique.

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Comment le travail sur l’adolescence s’inscrit dans la recherche artistique de la compagnie ?

Dans notre travail, il y a toujours cette question de savoir comment on se construit en tant qu’individu. Il y a quelques années déjà, nous avons ouvert un nouveau cycle documentaire autour des récits adolescents. Ce sont les journaux intimes d’ados de 12 à 18 ans qui ont d’abord constitué le cœur de notre recherche. Une documentation précieuse, parce que sensible et sincère, qui éclaire particulièrement bien ce moment de la construction de soi.

En quoi Il était une fois dans l’Est a donné un nouvel espace de déploiement au projet “Devenir(S)” ?

Alors que nous lisions tous ces journaux, ces documents du passé, nous avons eu envie de travailler avec les gens au présent. Lors de cette résidence nous avons travaillé avec les ados pour qu’iels récoltent les paroles d’anciens ados d’autres générations, notamment sous forme de son et d’image. 

Qu’est-ce qui vous enthousiasme dans la construction d’un projet évolutif, qui s’inscrit dans une temporalité longue ?

Toutes les paroles adolescentes récoltées depuis le début du cycle Devenir(S) sont comme en réseau. Elles s’éclairent les unes les autres. Comme des constellations. Nous avons donc imaginé un site internet pour les réunir et les mettre en lien, dans l’espace et le temps. Le projet Il était une fois dans l’Est, construit sur mesure pour raconter un territoire, s’inscrit donc dans un tout plus grand qu’il contribue à éclairer.

Quelle était votre intuition sur ce que la parole d’habitants allait faire émerger de non visible sur ce territoire en particulier ?

Le Coeur de Pays Haut regroupait les plus grandes mines de fer de France. Il y aurait 40000 km de galeries sous le sol ! Et pourtant toute cette réalité est engloutie. Demander à des jeunes collégien·nes d’aller à la rencontre des anciens pour les entendre parler d’adolescence, c’était faire resurgir des récits enfouis, collecter un patrimoine intime, sensible, et souvent très joyeux.

Un projet inclusif et intergénérationnel pour apprendre de nos différences

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Olivier Tellier est Maire de Trieux, Vice-Président Culture, Animation, Tourisme à la communauté de Communes du Cœur de Pays Haut.
Il a sollicité Scènes et Territoires ainsi que la compagnie pour concevoir un projet de création sur mesure pour le territoire.

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Pouvez-vous nous parler de votre rapport particulier à ce territoire sur lequel vous avez choisi de vous engager politiquement ?

Je ne suis pas originaire du Cœur de Pays Haut. Quand je suis arrivé sur le territoire, j’avais une image assez négative de la culture minière. Je ne suis jamais reparti alors que mon métier me le permettait. J'ai appris à connaître les personnes, à découvrir leur Histoire, qui est en train de disparaître en même temps que les anciens. C’est grâce à toutes les populations qui sont venues que nous avons pu faire de grandes choses et que nos territoires existent tels qu’ils sont aujourd'hui.

Selon vous, qu’est-ce que les artistes peuvent apporter à votre communauté de communes?

Ce qui est important pour moi c’est ce travail d'intergénérationnel et d'inclusion. Que les gens du territoire apprennent à se connaître par leurs différences.
L'artiste bouscule le journal de 20h ! Par ses questionnements et par ses mises en œuvre artistiques, il casse les codes, il bouscule les façons de penser, les frontières. Moi je peux avoir des idées mais l'artiste a une vision et il sait mettre en œuvre, valoriser une réalité.

30 plaques illustrées ont été réparties sur le territoire permettant d'accéder à 30 récits grâce à des QR-codes. Quel est pour vous l'intérêt de cet outil, notamment par rapport à son utilisation dans le temps?

Je me suis dis qu’il fallait garder une trace de ces témoignages et qu'il était important de transmettre cette Histoire face à la fermeture d’esprit de certains aujourd’hui.
Aujourd’hui nous avons 30 plaques réparties sur un vaste territoire. Maintenant j’aimerais que nous fassions des parcours thématiques sur des lieux en particulier, comme par exemple sur Trieux autour des grèves de 1963 ou sur Tucquegnieux sur le quartier de “La petite Pologne” pour parler de la mixité des populations.
J’aimerais aller plus loin oui. Dans dix ans, avoir 200 récits accessibles sur nos communes !

 

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inauguration du parcours de récits

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des QR-codes, aux capsules sonores

"Ici, à l'époque, c'était l'Amérique"

Tommy Laszlo est coresponsable artistique de la Cie La Bande Passante, il est à l’origine d’une cycle de recherche consacré à la musique et à la Bande Dessinée. Il a participé aux ateliers et aux collectes, et a donné à cette résidence sa dimension BD/Western.

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Comment les liens se sont-ils faits entre votre travail sur la Bande Dessinée et la résidence sur le territoire du Cœur de Pays Haut ?

Nous avions depuis longtemps l'envie de travailler autour de la bande dessinée. C'est là que nous avons découvert Nicolas Moog. Il est originaire du Grand Est de la France, il habite à Metz, et il ne parle dans ses BD que de Grand-Ouest américiain.
C’est sa manière de s'évader par le dessin qui m’a particulièrement touché, et qui a résonné avec la façon dont j'ai perçu le Coeur de Pays Haut : tu habites dans le Grand Est et par un coup de crayon, tu peux te retrouver dans le Grand Ouest.

Pouvez-vous nous en dire plus sur le choix du titre donné à la résidence Il était une fois dans l’Est?

Dans le Cœur de Pays Haut, il y a ces grands territoires qu’on traverse en voiture. Quand je cherchais un titre, m'est venu l'iconographie western qui a bercé mon adolescence et l'image de la diligence pour aller d'un lieu à un autre.
Il était une fois dans l'Ouest, c'est bien sûr un film mythique, dans lequel la musique a une place très importante. Et il y a le lien avec le récit, le "Il était une fois" des frères Grimm. Eux aussi étaient des collecteurs de paroles.
Et les gens que nous avons rencontrés dans le Cœur de Pays Haut nous disaient « Ici, à l'époque, c'était l'Amérique », ils faisaient le lien avec la conquête de l'Ouest, le territoire minier devenait la conquête de l'Est.

Le projet a donné lieu à une inauguration le 15 juin. Que souhaitiez-vous mettre en valeur lors de cet évènement ?

L'idée était de montrer comment la compagnie a cheminé durant ces 2 années. Nous avons exploré ce territoire aux travers de rencontres, d'ateliers avec les collégien-nes, de dessins et d'esquisses, de compositions musicales dans les lieux emblématiques.

Le 15 juin a été l'occasion de mettre toutes ces recherches artistiques en commun, lors d'une journée d'inauguration festive dans l'église en fer de Crusnes. Avec une exposition interactive en accès libre l'après midi, et un spectacle en soirée réunissant tous les artistes et les ados qui ont participé à ce travail.

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une maquette créé par les élèves

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de la BD augmentée en spectacle

Redécouvrir son environnement, sa famille, son histoire

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Marie Fiefel est enseignante référente de “Il était une fois dans l’Est” au collège Joliot-Curie de Tucquegnieux. Elle a accompagné ce projet sur les 2 années de présence de la compagnie, en organisant la résidence au sein de l’établissement.

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Qu’est-ce qui vous intéresse dans le fait de mener des projets artistiques avec les élèves ?

Je crois que l'art, et la culture au sens large, sont une clé, tant pour la compréhension du monde qui nous entoure que pour l'épanouissement de soi-même. Nous travaillons dans un environnement où l'accès à la culture est difficile, sur le plan pratique, et pour beaucoup de familles, ce n'est pas du tout la priorité. C'est donc une vraie chance pour nos élèves de pouvoir découvrir l'art et la culture avec l'école, ce qui en fait notre devoir.

Vous connaissiez les élèves avant de réaliser le projet. Qu’est-ce que ce projet leur a apporté selon vous ?

Les élèves étaient curieux de redécouvrir leur environnement (et leur famille pour certains) qu'ils croyaient connaître. Cela les a impliqués dans une démarche collective, et les a davantage placés dans une situation de communication. Découvrir l'aspect technique (son et lumière) les a aussi beaucoup intéressés, car ils ont besoin de concret dans une scolarité où les enseignements sont très généraux. 

Si vous deviez résumer ce territoire en quelques mots, quels seraient-ils?

Plus le temps passe, plus j'ai l'impression qu'il y a des choses à découvrir et que c'est un territoire en reconstruction. Et chacun peut prendre part, à son niveau. C'est assez plaisant d'habiter un territoire où l'on a l'impression d'avoir quelque chose à faire.

Des récits vivants, simples et passionnants

Laurence Moletta est créatrice sonore et musicienne multimédia, elle a animé les ateliers avec les les élèves du collège Joliot-Curie de Tucquegnieux avec qui elle a collecté les récits des habitant-es et réalisé le montage de 30 capsules sonores.

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Pouvez-vous vous présenter et présenter votre parcours artistique en quelques mots ?

Je suis compositrice, chanteuse, instrumentiste. J'ai un diplôme de composition contemporaine assistée par ordinateur. Je développe notamment des outils numériques pour la pratique du chant. Depuis 2020, je crée des parcours sonores géolocalisés, qui utilisent des applications numériques qui permettent aux gens d'écouter des histoires tout en se promenant.

Quelle a été la spécificité de ce projet avec la compagnie La Bande Passante et du travail avec le public adolescent?

La spécificité dans ce projet de territoire c’est que je n’étais plus seule à bord. J’ai embarqué une classe d’ados avec moi, dans l'optique de leur faire comprendre tout le processus du déroulement de l'interview jusqu’à une restitution finale de type podcast.
Nous avons commencé par une initiation à la prise de son, avec des petits enregistreurs et des micros. Ensuite nous avons abordé la question de l’interview : préparation des questions, comment oser aborder les gens, comment oser parler et poser les questions, comment analyser les réponses. Nous avons également travaillé sur les récits que j’ai moi-même collectés sur le territoire.

Vous avez passé 2 ans à rencontrer les habitants de ce territoire. Quels ont été les endroits de surprises qui ont modifié votre regard ?

J’avais un a priori assez négatif sur le monde de la mine. Je pensais que c'était un milieu très masculin et très technique. Grâce à l’entrée par les récits d’adolescence, j’ai écouté avec passion ce que les gens avaient à raconter. Des anciens ados qui parlent à des ados d’aujourd’hui, ça rend les récits vivants et simples. Ils utilisaient des mots accessibles et humains. Ce qui m'a vraiment touchée dans ce milieu des mineurs, c'est la solidarité qui revient dans presque tous les récits. Ils parlent de l’entraide, des jeux ensemble, du mélange entre nationalités, sans racisme. Tout le monde était dans le même bateau et quand ils en parlent, tu sens qu’ils sont transportés, dans leurs regards ça pétille.

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collectes de récits au Collège Joliot-Curie

Touchés par des récits, des souvenirs partagés

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Inès, Loucia et Pierre sont des colllégien·nes de 3eme qui ont participé à la collecte de récits sur le territoire, notamment auprès de leurs proches.

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Vous avez interviewé vos proches sur la période de leur adolescence. Est-ce que cet échange a changé votre regard sur eux ?

Pierre: J’ai interviewé mon père. J’aimerais lui dire “Merci pour ces instants passés avec toi et les conseils que tu m’as donné, papa. Plus tard, j’aimerai devenir Pilote de ligne. J’aimerais voler, pas parce que c’est beau, pas parce que c'est cool, je veux juste voler. Ça va être compliqué mais j’ai envie de te montrer que j’ai réussi mon rêve.”

Loucia: Papa parle plutôt portugais c’est donc maman, Nadine, qui a accepté de jouer le jeu. C’était un moment de partage, il y a eu beaucoup de fous rires, de souvenirs partagés. Notre adolescence n’est pas la même. Ça m'a fait plaisir de l'interviewer. Merci de m’avoir raconté l’anecdote avec ma grand-mère. Je ne l’imaginais pas comme ça. Elle me manque énormément. Je pense souvent à elle, quand on allait piquer des fraises dans les jardins.

Inès: j’ai interviewé mon voisin. Aujourd’hui il est psychologue et ce qui m’a touchée c’est qu’il ne vivait pas bien son adolescence, il était triste et mal dans sa peau. Je n’aurais pas imaginé ça. Moi ce n’est pas ce que je vis aujourd’hui, même si des fois c’est difficile avec l’école, avec les autres. Ça m'a touchée le récit de Frédéric. 

Qu’est-ce que vous auriez envie de partager de ce que vous vivez en tant qu’adolescent-e en écho à tous les témoignages récoltés au cours du projet ?

Pierre: C’est difficile de répondre parce que je suis dedans. Je pourrais dire des choses sur mon enfance, je pourrais comparer. Mais là, l’adolescence pour l’instant c’est normal, c’est mon quotidien, tous les jours c’est la même chose.

Loucia: En ce moment j’ai pas mal de stress à cause du brevet. Pour me détendre j’aime lire et m’occuper de mes chats. Avec mes amis, on se réunit au stade, on joue avec les garçons qui nous apprennent à jouer au foot. Ou on va chez Anais, ma deuxième maison, on refait le monde, on aimerait moins de pollution.

Inès: Par rapport à ce que les gens racontent sur ce qu’ils faisaient quand ils étaient ados, moi je vis loin du collège, je n’ai pas d’amis avec lesquels sortir proche de chez moi. Je ne joue pas, je ne vais pas au cinéma. J’aime rester chez moi à dessiner, ça me déstresse. 

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le spectacle d'inauguration qui a réuni ados, récits sonores, musique live et illustrations

Le dessin pour tisser du lien et attiser la curiosité

Étienne Gendrin est originaire d'Alsace. Il est dessinateur et auteur de Bandes Dessinées documentaires. Il a illustré chacun des 30 récits sonores pour les plaques implantées sur le territoire et le site "Devenir(S)".

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Vous avez écrit plusieurs bandes dessinées qui racontent des récits réels. Pour vous, qu’est-ce que ce médium apporte à la démarche documentaire ?

J'ai pas de formation au documentaire mais c'est vrai que la BD que je pratique part toujours de rencontres. J'utilise la BD pour pour raconter des morceaux de réel qui m'ont ébloui ou touché.
J'ai plutôt un caractère doux et pas mal à me planquer, à être le scribouillard dans sa chambre sous les toits. J’aime parler des gens qui sont assez éloignés de mon propre caractère, des gens avec des caractères forts. La BD c’est un peu comme m’offrir une autre vie. J’aime être derrière l’épaule du personnage et vivre l’aventure avec lui, être dans sa psyché, dans son coeur. C’est une façon de créer du lien entre eux et moi.

En quoi la démarche documentaire de la compagnie et le projet “Il était une fois dans l’Est” ont-ils résonné avec votre propre travail ?

Quand j’ai vu le travail documentaire autour du papier de la cie La Bande Passante, ça m’a tout de suite parlé. Dans le projet “Il était une fois dans l'Est”, la résonance forte pour moi, c'est le côté histoire du quotidien. Les témoignages récoltés dans le Coeur de Pays Haut sont des petites histoires qui nous font accéder à l’Histoire du territoire, à une dynamique qui n’existe plus aujourd’hui.

Vous avez réalisé les dessins qui accompagnent les 30 capsules sonores. Comment avez-vous abordé cet exercice singulier ? 

J'essaie de reconstituer des images à partir du discours.
Quand j’ai écouté les capsules sonores, des images me sont venues et des éléments m’ont fait sourire. C’est souvent le trait d’humour que j’ai gardé comme point de départ.
Les illustrations pour le projet accompagnent des panneaux avec des QR codes. Ils préexistent à l’audio que vont découvrir les visiteurs avec leur téléphone. Donc il fallait trouver un juste équilibre entre donner envie et garder un effet de surprise, ne pas tout dévoiler. Je ne voulais pas que le dessin fige l’idée du spectateur, plutôt qu’il crée une curiosité dont la clé est dans l’audio. Les deux fonctionnent ensemble : l'un augmente l’autre et vice-versa.

Raconter pour ne pas oublier

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Emilie Henquinet est fille, petite fille et arrière petite de mineurs. Elle est chargée d'édition pour le magazine Paroles de Lorrains, une maison d'édition axée la culture Lorraine et la mémoire ouvrière. Elle a été interviewée par les élèves en tant que personne témoin.

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En quoi votre adolescence sur le Cœur de Pays Haut a-t-elle participé à ce que vous êtes aujourd’hui ?

J'ai grandi à Landres. Mon père était mineur de fer à Joudreville. En 93, quand les mines ont fermé, nous sommes partis un peu la mort dans l’âme. J’avais 14 ans. Mon père adorait son métier de mineur, il a appris à l'aimer pendant ses 20 ans de carrière. J’ai appris que si malheureusement on n’a pas la possibilité de continuer à faire ce qu'on aime, il faut savoir changer son fusil d'épaule, avoir un plan B, se remettre en question, se renouveler et avancer.

Vous êtes venue au collège Joliot-Curie pour être interviewée par les élèves au sujet de votre adolescence. Comment avez-vous vécu cette expérience ?

J'étais très honorée d'être invitée. J'ai emmené mon acolyte Stéphan Rog, qui a fait 30 ans de mine. Moi, mon père était mineur, mon grand-père était mineur, mon arrière grand-père était mineur. Je dis souvent que les hommes de ma famille ont laissé tellement de sueur dans ce sous-sol lorrain que j’ai un lien très fort avec cette terre. Je veux transmettre ce patrimoine aux générations futures. Cette rencontre, c'était génial.

Vous témoignez que votre père était syndicaliste et investi dans différentes fermetures de mines. Qu’auriez-vous envie de dire aux personnes qui ignorent ce qu’était la vie ici du temps des mines ?

Les mineurs ont beaucoup souffert pour extraire le fer dont le sous-sol lorrain est gorgé. De la fin des années 1800 au début des années 1900, c’était effarant de voir leur conditions de travail, ça s'est amélioré au fil des années. Donc d’abord ne pas oublier ces mineurs, qui ont parfois donné leur vie pour que la France soit ce qu’elle est.
Et ne pas oublier la notion du vivre ensemble. On a eu beaucoup de polonais, d'italiens, de maghrébins, de tchécoslovaques, tous ces pays qui sont venus nous prêter main forte dans les années 40 et après la guerre. On a appris à vivre avec ce melting pot de populations. Ne pas oublier que sans eux la France n'aurait pas pu faire ce qu’elle a fait et conserver cet esprit fraternité entre peuples.

rencontrer les habitant-s

rencontrer les lieux

La musique au cœur de la rencontre

Thomas Guiral est musicien, il est ce qu’on appelle multi-instrumentiste. En parallèle il fait de la création son et vidéo pour le spectacle vivant. Il a composé les habillages musicaux des capsules sonores.

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Comment s’est faite la rencontre avec Tommy Laszlo et votre arrivée dans le projet ?

J’ai rencontré Tommy lors d’une formation à Tucson en Arizona. J’y allais pour apprendre des musiciens et techniciens de là-bas. D’abord parce que c’est une musique qui a bercé mon enfance. Et puis techniquement, ils ont des méthodes de composition musicale, d'enregistrement et de production qui sont très différentes de ce qu’on fait en France.
Le travail de la compagnie a résonné avec mon propre travail autour de l’archive. J’ai aussi un lien très fort avec les objets et leur histoire. Je collectionne les instruments de musique et les appareils photo. J’aime m’en servir en sachant qu’ils ont déjà eu une histoire et qu’elle m'influence même si je ne la connais pas.

Pouvez-vous me parler de ce qui influence votre musique aujourd’hui et notamment de ce lien avec l’Ouest américain ? 

J’ai reçu une éducation musicale classique. Mes parents étaient musiciens professionnels. Adolescent, j’ai découvert la musique américaine. J'étais heureux d’avoir mon propre univers musical. Et à 15 ans pour séduire les filles, la guitare c’est mieux que la flûte à bec ! C'est plus tard que j'ai compris que la musique américaine s’est construite depuis 300 ans en lien avec l’histoire de l’immigration : c'est un conglomérat de musiques de différents pays, de différentes cultures.

Pour Il était une fois dans l’Est, une partie de la recherche composition musicale s’est faite in situ, sur des lieux singuliers du territoire. Pour vous, comment la musique peut-elle nous amener à modifier notre regard sur le réel?

Dans la musique, il y a une notion vibratoire qui touche l’universel et crée une autoroute pour se rencontrer.
Avec des personnes, c’est un souvenir qui va remonter et rassembler par l’émotion. Nous avons joué dans le salon d’un ancien porion et de sa femme. Elle nous a raconté le jour où elle avait vu Edith Piaf à la salle de spectacle construite par la mine. Nous lui avons joué "la foule". Nous étions des inconnus et d’un coup le regard a changé sur la rencontre.
Nous sommes aussi allés sur des lieux marqués par des vécus. Très modestement, avec juste une guitare, j'ai essayé à travers mon intime et mon interprétation, de transmettre ces endroits, leurs énergies et leur Histoire qui est belle et qui est oubliée.
Par la musique, je cherche à devenir passeur de quelque chose. Je crée une rencontre entre des humanités.

Vous étiez présent lors de la restitution du 15 juin, accompagné de 2 autres musiciens. Comment avez-vous construit votre répertoire en lien avec le Cœur de Pays Haut ?

Pour la première partie de la soirée, l’idée est d’accompagner la parole des ados, les récits d'habitant-es et les dessins d’Etienne avec une musique qui est à cheval entre la musique de composition pure et l’hommage à cette esthétique américaine. Amener des étendues sauvages qui donne d’un coup une autre dimension au Cœur du Pays Haut.

Pour la deuxième partie, plus festive, j’ai rejoint Tilmann et Evan, du groupe Awesome Possums. Nous avons joué de la musique américaine appelée "Old time". C’est une musique populaire anglophone typique, qui est née des rencontres spontanées entre musiciens immigrés de différents pays, chacun avec leur instrument.

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concert des Awesome Possums

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sur scène et sur le parvis de l'église

Merci pour votre attention ! :)

La Bande Passante, c'est, entre autres:

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